La rétention représente l’un des défis RH les plus difficiles (et les plus coûteux) pour la majorité des organisations. Remplacer un employé peut coûter jusqu’à deux fois son salaire annuel, et 47% des professionnels des RH considèrent le roulement comme leur principal enjeu de main-d’œuvre. La vraie question aujourd’hui n’est plus de savoir si la rétention compte, mais comment l’améliorer de façon stratégique.
C’est là que l’analytique RH (aussi appelée people analytics) entre en jeu. En combinant les données RH et des analyses prédictives, les organisations peuvent mieux comprendre pourquoi les employés quittent, repérer les joueurs qui pourraient être à risque et mettre en place des actions ciblées et basées sur des faits pour améliorer l’engagement et la rétention.
Qu’est-ce que l’analytique RH?
L’analytique RH consiste à collecter et analyser des données sur la main-d’œuvre pour prendre de meilleures décisions en gestion des personnes. Plutôt que de se fier à l’intuition, les équipes RH s’appuient sur des données mesurables pour comprendre ce qui influence réellement la satisfaction, la performance et la fidélisation des employés.
Les 4 piliers d’une analytique RH efficace
- Collecter les bonnes données : pour des données fiables, utiliser un SIRH (logiciel de gestion des ressources humaines), les indicateurs de performance, les sondages d’engagement et les entrevues de départ.
- Repérer les tendances clés : identifier les facteurs communs derrière les départs (ancienneté, type de poste, relation avec le gestionnaire, etc.).
- Prédire les risques : appliquer des modèles statistiques ou basés sur l’IA pour estimer quels employés présentent le plus de risques de quitter.
- Agir stratégiquement : transformer les constats en actions concrètes (meilleur processus d’accueil et intégration, parcours de développement personnalisés, ajustements de charge de travail, etc.)
Approche RH basée sur les données vs. méthodes « traditionnelles »
Aujourd’hui encore, plusieurs décisions liées à la rétention partent d’hypothèses répandues, par exemple : « Les gens quittent parce qu’ils ne sont pas assez payés. » Or, la réalité est souvent plus nuancée.
Par exemple, selon SHRM, quand on demande aux employeurs pourquoi les employés quittent, l’une des réponses les plus fréquentes est la suivante : un poste mieux aligné avec leurs objectifs de carrière (pour 42,0% des répondants). Autrement dit, l’alignement de carrière et les perspectives d’évolution sont souvent des moteurs majeurs de rétention, pas seulement la rémunération!
Voici les principaux avantages d’une approche axée sur les données :
- Décisions plus objectives : réduction des biais et des suppositions.
- Actions plus proactives : identification des signaux de risque avant qu’il soit trop tard.
- Meilleure allocation des efforts : investissements là où l’impact sera le plus grand.
- Résultats mesurables : suivi de l’efficacité des initiatives avec des indicateurs concrets.
Cette approche permet aussi aux organisations de rester compétitives, même si elles n’ont pas les mêmes ressources que les très grandes entreprises.
5 indicateurs clés qui aident à prévoir la rétention
Suivre certains points de données aide à comprendre pourquoi les employés restent… ou partent. Voici cinq indicateurs utiles et généralement accessibles dans la plupart des organisations.
1) Le taux de roulement volontaire
Le taux de roulement mesure combien d’employés quittent l’organisation sur une période donnée (souvent une année). Le roulement volontaire signifie que l’employé choisit de partir; le roulement involontaire correspond aux départs initiés par l’employeur.
Ce taux se calcule en divisant le nombre de départs par le nombre moyen d’employés, puis en multipliant le résultat par 100. Si le taux dépasse la norme du secteur, c’est un signal potentiel de problème de rétention.
2) Le eNPS (Employee Net Promoter Score)
Le eNPS provient de sondages qui mesurent la motivation, la satisfaction et le sentiment d’appartenance. Les baisses d’engagement apparaissent souvent avant qu’une personne décide de quitter.
Ces sondages sont généralement anonymes et faits une à deux fois par année. On compare ensuite les résultats entre équipes et dans le temps.
3) Les évaluations de performance
Les évaluations de rendement permettent de voir dans quelle mesure les employés atteignent les attentes fixées. Les personnes très performantes et celles en difficulté peuvent être à risque, mais pour des raisons différentes : manque de reconnaissance ou de perspectives d’un côté, manque de soutien de l’autre.
4) Le “time to productivity” (temps pour atteindre la pleine productivité)
Cet indicateur mesure le temps nécessaire à une nouvelle recrue pour atteindre le niveau de performance attendu. Plus l’intégration est longue ou floue, plus le risque de départ est élevé (surtout dans les premiers mois).
Le calcul commence à la date de prise de poste et s’étend jusqu’au moment où l’employé atteint ses premiers objectifs de performance. Un temps plus court indique souvent un accueil et une intégration solides.
5) La mobilité interne
La mobilité interne (changements de poste, promotions, mouvements latéraux) est souvent associée à une meilleure rétention. Selon un rapport de SHRM sur la retention, les organisations qui offrent des occasions de croissance via la mobilité interne retiennent leurs employés près de deux fois plus longtemps que celles qui n’en offrent pas.
Comment utiliser l’analytique prédictive pour réduire le roulement volontaire
L’analytique prédictive en RH utilise les données pour estimer quels employés pourraient quitter dans le futur. Des modèles (parfois de type “machine learning”) repèrent des schémas dans les données RH et produisent des prédictions de risque de départ.
Collecter des données employés complètes
Les sources incluent le SIRH, les outils de performance, les plateformes d’engagement et les entrevues de départ. Une saisie cohérente et précise est essentielle.
La qualité des données influence directement la qualité des prédictions : des données claires et complètes donnent des insights bien plus fiables.
Repérer des tendances dans l’historique de départs
La méthode consiste en l’analyse et la comparaison des employés ayant quitté dans le passé : ancienneté, performance, type de rôle, score d’engagement, changements d’équipe, etc. Cette approche permet d’identifier ce qui différencie les employés qui quittent de ceux qui restent.
C’est aussi l’occasion de repérer des tendances : départs après une réorganisation, durant certaines périodes de l’année, ou dans des rôles spécifiques. Certains postes, paliers d’ancienneté ou groupes peuvent afficher des taux plus élevés.
Construire des modèles prédictifs
Un modèle prédictif utilise les données d’employés actuels et passés pour identifier les joueurs à risque. Cela peut aller d’un suivi simple dans un tableau Excel à des fonctionnalités avancées intégrées dans un logiciel RH.
Mettre en place des stratégies de rétention ciblées
Une fois les employés (ou segments) à risque identifiés, les RH peuvent agir de façon spécifique : offrir des opportunités de développement aux employés à hauts potentiels, ajuster les charges de travail quand l’équipe est à bout, ou faire une revue de la rémunération si l’équité salariale ressort comme facteur d’insatisfaction.
Ces actions sont choisies en fonction des données, ce qui augmente fortement les chances de traiter les vraies causes du roulement.
Étapes pour déployer une stratégie de rétention basée sur les données
1) Commencer par des analyses de base
Beaucoup d’organisations commencent par suivre des indicateurs simples : roulement, ancienneté moyenne, absences… Mieux vaut commencer par quelques métriques simples plutôt que se perdre dans les indicateurs complexes.
La clé est de prioriser sur la régularité plutôt la sophistication : un suivi simple, fait chaque mois, peut déjà révéler beaucoup.
2) Mettre en place des processus de collecte de données
La collecte de données doit couvrir tout le cycle de vie employé : recrutement, accueil, évaluations, entrevues de rétention et entrevues de départ. La cohérence est la clé de la réussite!
Il est donc important de standardiser les points de rétroaction : durant l’intégration, les entretiens de performance, etc.
3) Former les équipes RH à lire et interpréter les données
L’objectif n’est pas de transformer tout le monde en analyste. Il s’agit plutôt de comprendre ce que les chiffres disent… et quoi faire ensuite : créer un tableau de bord détaillé, repérer une tendance en particulier, formuler un plan d’action ciblé.
4) Créer des boucles de rétroaction
Il est important de reviser régulièrement vos initiatives de rétention : analyse de nouvelles données, ajustements, tests, et itérations. C’est ce cycle d’amélioration continue qui fait une vraie différence sur le long terme.
Les plateformes RH modernes comme Folks centralisent les informations employés et offrent des outils d’analytique directement dans le produit. Ces outils permettent à toutes les entreprises, peu importe leur taille et leur secteur d’activité, d’accéder à une gestion RH axée sur les données, sans devoir bâtir des solutions sur mesure.
Mesurer le succès et le ROI d’une rétention pilotée par l’analytique
Mesurer l’impact d’une stratégie RH basée sur les données implique de suivre des résultats concrets dans le temps : évolution du taux de rétention, rapidité et coûts d’embauche, satisfaction des employés.
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Amélioration de la rétention : comparer la proportion d’employés qui restent avant/après les actions.
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Économies : estimer l’argent économisé sur le recrutement et la formation grâce à une baisse du roulement.
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Temps pour pourvoir un poste : si le roulement baisse, il y a moins de postes à remplacer et l’équipe RH passe moins de temps sur des processus recrutement.
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Satisfaction et engagement : via des sondages internes et des entrevues de rétention.
Par exemple, un calcul simple pourrait montrer un roulement annuel qui passe de 20 % à 14 %, ce qui permet d’économiser 18 000 $ en recrutement et formation. Si l’implantation d’outils d’analytique coûte 10 000 $ la première année, on obtient une économie nette de 8 000 $.
Confidentialité et vie privée en analytique RH
L’analytique RH implique de collecter, stocker et analyser des données sur les employés. Ça soulève des enjeux importants de confidentialité et d’éthique au travail :
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Protection des données : requiert de respecter les lois de confidentialité au Québec, comme la loi 25, et d’utiliser des systèmes sécurisés pour éviter pertes, vols ou accès non autorisé aux information des employés.
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Transparence : expliquer clairement quelles données sont collectées, pourquoi, et comment elles seront utilisées (processus à détailler dans vos politiques internes ou dans le manuel de l’employé).
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Prévention des biais : s’assurer que les analyses ne renforcent pas des stéréotypes ni des décisions injustes. Auditer les données et les modèles pour détecter des biais.
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Consentement : obtenir la permission avant de collecter/analyser des données personnelles. Les formulaires de consentement doivent préciser quoi, comment et à quelles fins.
Le mot de la fin
De plus en plus d’organisations utilisent l’analytique RH pour prendre des décisions basées sur des données plutôt que sur des impressions. Cette approche permet aux équipes RH d’identifier des tendances, de prévoir certains risques et de mettre en place des solutions appuyées par des résultats.
De nombreuses PME s’appuient aujourd’hui sur une plateforme technologique RH pour centraliser les données, automatiser les rapports et suivre les efforts de rétention. Avec le bon outil, il devient possible de faire de l’analytique RH sans équipe dédiée ni budget “corporate”!